La Voix du Nord a écrit :Il sortait d’une saison accomplie avec le BCM. Il avait remporté la Leaders Cup, dont il avait été le MVP. Le pivot était un candidat naturel à l’Euro, avec les Bleus. Il allait signer le plus gros contrat de sa carrière, à 24 ans. Mais une pathologie cardiaque, détectée en mai, l’a brutalement contraint à une retraite anticipée. Ludovic Vaty s’est installé avec femme et enfant, à Pau, où il a été formé. Le Guadeloupéen revient sur cet été où tout a basculé. Avec pas mal de sagesse dans la voix
Ludovic, avez-vous digéré ce qui s’est passé cet été ?
« Cela a été très dur, surtout au début. Je ne m’y attendais pas du tout. Je n’avais rien ressenti. Quand on m’a annoncé ça, je me suis dit : C’est pas possible ! Après, on réfléchit différemment. J’avais souvent entendu dire qu’il y a la bulle du sportif et un autre monde. C’est exactement ça. Je suis sorti de la bulle et je suis, aujourd’hui, face aux problèmes de M. Tout le monde. »
C’est un test cardiaque, en vue d’une arrivée dans un nouveau club, qui a déclenché ça ?
« On voulait prendre de l’avance sur le dossier médical. On a fait les tests. Le 17 mai, Cécile Defrance, la cardiologue de Lille, m’a dit qu’il y avait ce problème. On a fait de nouveaux tests, à Rennes, avec le professeur Carré. Ç’a été la confirmation : il y avait une cardiopathie dilatée débutante. Un décollement de la membrane. Si on ne fait pas de sport intensif, ça va. Mais avec le sport, il y a risque. Ça n’avait rien à voir avec ce que j’avais eu, en 2010. C’était une extrasystole, une arythmie. Beaucoup de basketteurs en font. Sur ce qu’on m’a détecté là, une opération ne sert à rien. »
Au moment du verdict, vous avez dû avoir l’impression que le sol se dérobait sous vos pieds ?
« Je croyais que c’était un mauvais rêve, qu’ils s’étaient trompés. Qu’on allait me rappeler 2-3 jours plus tard. Mais j’ai dû me rendre à l’évidence : ma carrière était finie. On m’a conseillé d’aller voir du monde, de consulter un psychologue. Pour l’instant, je n’en ressens pas le besoin. Ma famille m’a aidé. Au départ, vous êtes bien un jour, et une heure après, vous ne l’êtes plus, sans savoir pourquoi. Vous voyez du sport à la télé… Rester deux semaines à la maison, ça ne m’était jamais arrivé. Il y a une phase de choc, on peut être énervé. Mais énervé contre qui ? Je me suis vite reprogrammé sur autre chose, en me disant qu’il fallait essayer d’avancer avec ça. »
Vous avez pensé à Benoît Georget, le capitaine du BCM, décédé il y a un an, à 42 ans, de manière brutale ?
« Benoît, je ne le connaissais pas vraiment. Je connaissais Thierry Rupert. Quand Cécile Defrance m’a annoncé ça, j’ai pensé de suite à lui. Thierry, ça n’a pas été décelé. Ce n’était pas la même chose, mais ça reste le cœur. J’ai eu la chance que ce soit détecté. Il faut voir le positif. Là, j’ai la chance de voir évoluer mon fils. En quinze jours, ça change. C’est quelque chose de très fort. Et on attend un deuxième petit garçon. J’ai 25 ans, je ne vais pas me morfondre des années. »
Vous auriez pu faire l’Euro avec les Bleus, on vous annonçait dans un club étranger, avec un gros contrat. Cette pathologie cardiaque a été décelée à un moment clé de votre carrière…
« Oui, l’Euro… Pour le club, je laissais faire mon agent. Je savais qu’il y avait des touches avec l’Espagne, la Turquie et l’Italie. Mais le deal, c’était : je me concentre sur les playoffs, il travaille de son côté. On a été éliminés (15 mai) et le diagnostic (17 mai) a eu lieu dans la foulée. Je n’ai pas voulu savoir avec quel club c’était chaud. Je ne le sais toujours pas. Cela me ferait encore plus de mal. Je ne veux pas le savoir. Cela fait partie de mon passé. »
Comment ont réagi vos proches ?
« Cela m’a fait sourire, car les gens ne savaient pas comment aborder ça avec moi. Dans le train du retour de Rennes, quand la nouvelle est sortie, ça n’a pas arrêté avec mon téléphone. Il chauffait. J’ai eu Edwin (Jackson, joueur de l’ASVEL). Il n’était pas bien du tout et il jouait le soir. Ma mère a pris des congés, en Guadeloupe, et est arrivée directement. Je lui disais que ça allait, mais elle voulait vérifier (sourire). Et puis, je suis fils unique… Elle avait peur de ma réaction, sait ma passion du basket. Grâce à ma famille, j’ai pu surmonter ça. »
Comment s’articule votre nouveau quotidien ?
« Il y a la famille.
Et Claude Bergeaud et le staff de Pau m’ont aidé. Je prends les intérieurs espoirs sur un travail individuel. J’assiste Freddy Fauthoux sur les benjamins. Je prends aussi les intérieurs minimes. Et je me suis mis au bricolage. »
Au bricolage, vraiment ?
« Eh oui ! J’aime beaucoup ça. On a monté un portail électrique. Et je fais de petites bricoles. Quand je jouais au basket, je n’aurais jamais cru faire ça. J’aurais appelé quelqu’un. »
Vous avez toujours donné la priorité au basket. Vous avez une idée de ce que vous allez faire ?
« Je vais me relancer, je suis un battant. Je sais que je n’aurais pas le plaisir que j’avais à jouer. Mais ce ne doit pas être qu’une histoire de bouches à nourrir. Il faut un minimum de plaisir. Coach, j’étais un peu sceptique. Richard Billant (INSEP) m’a dit de venir sur un camp benjamins, cet été, à Houlgate. Je pensais que j’allais observer. Il me dit rapidement : Tu vois les jeunes, tu les prends . Waouh ! OK. Ça m’a beaucoup plu. La difficulté, c’est d’apprendre à apprendre. Mais je ne veux pas aller trop vite. La Fédé m’a aidé. Il y aura peut-être un petit projet, mais je ne peux pas en parler pour l’instant (sourire). Elle m’a fait basculer sur des formations d’entraîneur, la validation d’acquis. Je veux pouvoir dire : Ça, je peux faire, ça aussi ! . Il ne faut pas aller trop vite sur des choix. Ça ne m’est arrivé qu’il y a six mois. »
Vous avez retrouvé vos anciens équipiers du BCM, à Pau. Cela a dû être particulier ?
« J’ai vu beaucoup de matchs de Pau, cette saison. Gravelines, ça me touche plus, c’est mon ancienne équipe. Revoir Yannick (Bokolo), Ous (Camara), même les espoirs, avec qui on s’entraînait, Hugo Dumortier, William (Howard), ça fait plaisir. J’ai mangé avec eux. Ils sont restés sur les mêmes délires que l’année dernière (sourire). On n’a pas abordé le sujet. Je pense qu’ils avaient peur de ma réaction. Yannick m’a posé quelques questions. Je le savais, avec Yannick, on parle de tous les sujets. »
Que manque-t-il le plus : l’adrénaline de la compétition, le rythme et le quotidien d’un sportif ?
« Oui, il y a cette routine : se lever, partir à l’entraînement, manger, dormir, repartir à l’entraînement. Ça manque. Il y a aussi le challenge, sur le terrain. Et puis, même si je suis assez solitaire, les repas avec les équipiers, les parties de cartes à l’arrière du bus, de PlayStation, ce sont des choses qui manquent. Si la médecine progresse et si je ne suis pas trop vieux, peut-être que je reprendrai un jour en N2 ou plus bas. Pour la compétition. »
On prend un peu plus conscience du caractère privilégié de cette vie, quand on arrête ?
« Dans ce milieu, on a beaucoup, beaucoup de chance. On est chouchoutés. On ne s’en rend pas compte, car j’ai vécu comme ça depuis l’âge de 15 ans. »